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Harcelés de l'école jusqu'à la chambre
En quoi c'est vraiment grave ? (3/4)
En quoi c'est vraiment grave ?
Le harcèlement, ce sont des victimes, des harceleurs et des témoins. Pour chacun d’eux, ces expériences laissent des traces plus ou moins graves, qui peuvent les suivre dans leur vie d'adulte.
S’inquiéter aussi pour les harceleurs
Que peuvent devenir les jeunes qui ont pris l'habitude de harceler ? Ils risquent de continuer quand ils seront adultes, au travail, dans leur famille...
Pour Bruno Humbeeck, psychopédagogue, les parents devraient s'inquiéter si leur enfant est un harceleur, autant que s'il était harcelé. Cela veut dire qu'il n'est pas capable de se mettre à la place de l'autre, de comprendre ce qu'il ressent, ses émotions. Bruno Humbeeck remarque que les parents sont parfois rassurés quand leur enfant est un dominant, quand il a le pouvoir, car il est fort et ne sera pas embêté. Mais ils ne devraient pas rire quand leur enfant raconte qu'il s'est moqué d'un autre.
Au contraire, ils devraient demander : « Est-ce que tu te rends compte de ce que l'autre a vécu ? ».
Il y a des harceleurs qui prennent du plaisir à faire souffrir. Mais il y en a aussi qui manquent de confiance en eux. Ils ont besoin d'un public. Ils se moquent pour faire rire et devenir populaires.
Annie a été victime de harcèlement quand elle était enfant. Gentille, douce, elle est toujours restée elle-même. Elle dit de ses agresseurs : « Il y a une souffrance de la part de ceux qui m'ont harcelée, parfois une tristesse, une envie, un désir d'être aussi libres que je pouvais l'être. ».
Un trop plein de colère
Parfois, de victime on peut passer à harceleur et s'en vouloir très longtemps. Yacine, 12 ans, raconte dans un documentaire télévisé : « Je me suis fait harceler, ça a débuté en CM1. Ils me frappaient aux toilettes, ils m'insultaient. Quand je mangeais avec ma mère, j'essayais de cacher mes bleus, de faire semblant que j'avais pas mal. Je rigolais avec ma famille mais, au fond de moi, j'avais mal et j'avais mal physiquement. ».
Et puis Yacine explique qu'au collège il a mal réagi : « J'ai fait la bêtise de ne pas en parler, ça a duré trop longtemps. Et je suis devenu harceleur. Tous les jours au collège, on harcelait une élève qui venait d'un autre pays. Quand elle réagissait, elle pleurait et elle courait en même temps et nous ça nous faisait rire. J'aurais dû l'aider à aller voir des gens, à en parler. Je voulais me venger de mes harceleurs. Alors que c'était pas du tout elle. Je vidais ma colère sur cette fille qui n'avait rien à voir avec mes problèmes ».
La peur de sortir de la norme
Félix devenu adulte se souvient : « Quand tu as vécu la peur de te faire frapper, que tu t'es fait pousser dans la queue à la cantine... quand t'as souffert et que tu veux plus que ça arrive, tu te fais des potes pour être plus fort et s'entraider. Et tu regardes ceux qui sont seuls, et tu leur fais vivre ce qu'on t'a fait. Quand t'es dans la norme, t'as une sorte de soulagement et tu veux plus la quitter. Enfin t'as réussi et on ne t'embête plus, t'es dans le groupe et tu fais comme les autres. T'as cette peur, sinon, d'être à nouveau la victime. Tu vois dans le regard de ceux que tu harcèles que ça pourrait être toi, et tu veux pas, alors tu fais ce qu'on te dit. »
Félix a grandi en cherchant à être comme les autres, il voudrait que la société change pour qu'on ait le droit à la différence, que les gens se parlent et s'écoutent vraiment, qu'on redonne de la valeur à ce qu'on a dans la tête plutôt qu'à la façon d'être.
Aujourd'hui encore, il a du mal à reconnaître qu'il a été victime, parce qu'un homme doit être fort, dans le contrôle de ses émotions, c'est sa place... Il ne doit pas montrer sa fragilité.
Des morceaux de soi à reconstruire
Les personnes qui ont été victimes de harcèlement en souffrent encore quand elles sont adultes. Elles disent qu'il est difficile d’avoir confiance en soi, de ne plus se dire qu'on est nul, qu'on est moche, de ne plus s'excuser d'exister... Il y a aussi la peur d'aller vers les autres, la difficulté à leur faire
confiance, le risque de s'isoler.
Parfois, les souvenirs reviennent à travers des cauchemars, la dépression...
Dans le podcast (émission radio à télécharger) Bullied, Annie, aujourd'hui adulte, témoigne : « Je pense qu'il faudra toujours vivre avec ces petits bouts de nous-mêmes que les autres ont abîmés et qu'il faut essayer de réparer. Ça reste toujours un peu. » Il faut beaucoup de temps pour se reconstruire. Souvent, les harceleurs n'ont pas conscience que ce qu'ils font peut changer toute la vie de la personne.
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